Au delà de « l’expérience collaborateur », parlons d’innovation organisationnelle et de transformation managériale

Après « l’expérience utilisateur », on parle de plus en plus « d’expérience collaborateur », notamment en raison du succès du livre « L’expérience collaborateur » du livre très intéressant de Corinne Samama. Et c’est une très bonne chose! On s’intéresse enfin à la vie des collaborateurs selon des dimensions non seulement fonctionnelles mais aussi relationnelles et émotionnelles, tout comme on le fait lorsqu’on travaille sur « l’expérience utilisateur ». Cela s’appelle la symétrie des attentions.

C’est l’occasion pour moi de vous présenter à nouveau le livre que j’avais écrit et auto-édité en 2011 sur Amazon et qui est, plus que jamais, d’actualité.

Son objectif est d’analyser dans quelle mesure le design thinking peut aider les entreprises (et les administrations) à réinventer leur organisation et leurs pratiques de management afin de les rendre plus humaines et plus efficaces, en s’intéressant justement à l’expérience de leurs collaborateurs (ce que je mets en pratique depuis pour mes clients).

Vous trouverez ci-dessous son introduction.

INTRODUCTION

Le sujet de cet ouvrage traduit la rencontre entre ma trajectoire professionnelle (l’analyse des dysfonctionnements de l’entreprise en tant qu’auditeur), une opportunité (la nécessité actuelle de réinventer le fonctionnement de l’entreprise pour renforcer sa capacité d’innovation et sa performance), la conscience que l’humain n’a pas suffisamment sa place en entreprise et un goût prononcé pour le design.

Ma réflexion est partie d’un constat : l’enjeu majeur des entreprises du 21ème siècle est clair : il faut innover ! « Partout dans le monde, l’innovation et la mondialisation sont les deux principaux moteurs de la performance économique. Elles influent directement sur la productivité, la création d’emplois et le bien-être des individus, et aident à faire face à des enjeux de dimension mondiale, comme la santé et l’environnement. »[1]

Cette injonction est renforcée par la crise économique majeure que connaît actuellement l’économie mondiale. « L’innovation apparaît comme un levier essentiel pour sortir d’une spirale déflationniste et d’une tendance à l’intensification de la concurrence. »[2]

Cependant, la réalité est très contrastée. Si un nombre important d’entreprises se prétendent innovantes, ou plus humblement, cherchent à mieux innover, les innovations sont dans les faits très rares, d’autant plus en France. « Parmi les 50 entreprises les plus innovantes identifiées en 2008 par BusinessWeek et le BCG, on ne compte que 8 entreprises européennes dont 4 britanniques, 2 allemandes, 1 hollandaise, 1 finlandaise et aucune française. »[3] Et encore plus rares sont celles qui gardent, dans la durée, cette longueur d’avance. Les grandes entreprises à la pointe de l’innovation, et aussi très performantes, sont connues de tous car érigées en véritables modèles : Apple, 3M, Google, IKEA, Zara, etc.

Alors et puisque nous avons de si bons exemples, pourquoi est-ce si difficile d’innover ? Quels sont les atouts de ces entreprises ? Et pourquoi sont-ils si difficiles à acquérir ? S’agit-il d’une culture spécifique et propice à la créativité, à la prise de risque, à la proactivité plutôt qu’à la réactivité ? Existe-t-il un lien entre la forte culture design de certaines de ces entreprises (Apple, Ikea, Zara) et leur performance ? Ont-elles mis en place un mode particulier et spécifique d’organisation ? N’est-ce pas parce qu’elles savent particulièrement bien tirer profit de leurs ressources humaines? N’est-ce pas à ce niveau-là, en premier lieu, qu’il faut innover : l’organisation et les pratiques de management des ressources humaines ? L’enjeu ne serait-il pas de s’appuyer au maximum sur le capital humain ? La première ressource de l’Homme n’est-elle pas sa créativité, ingrédient indispensable à toute innovation ?

Ce sont ces questionnements sur les relations pouvant exister entre capital humain, innovation et performance, puis entre culture du design et performance, qui ont attisé ma curiosité et m’ont amenée à me demander dans quelle mesure le design et la culture de la créativité pouvaient avoir une forte valeur ajoutée, dans la durée, en termes de culture d’innovation et de performance de l’entreprise.

 Creusant le sujet du design, je découvre un aspect fondamental : l’une de ses caractéristiques réside dans la très forte prise en compte de l’humain. Son dessein initial est d’améliorer le monde et le bien-être de l’Homme, et les designers s’efforcent de concevoir dans ce but. J’ai alors un coup de foudre pour cette approche et j’entreprends d’élaborer ma propre définition du design dans l’optique de la tester : le design ne serait-il pas une démarche de conception réflexive, qui a la caractéristique de partir de l’humain pour répondre à des besoins humains, et qui recherche l’harmonie, ce qui se traduirait par l’esthétisme lorsqu’on l’applique à des objets matériels mais qui n’exclurait pas les choses intangibles ?

 Par ailleurs, Gary Hamel, spécialiste de conseil en stratégie et Professeur à la Harvard Business School ainsi qu’à la London Business School, défend dans son livre La fin du management que, pour être innovant dans la durée, il ne suffit pas d’innover au niveau des produits, des services et des process mais qu’il s’agit d’innover aussi au niveau de l’organisation et des pratiques de management de ressources humaines. Convaincue par cette thèse, je décide d’explorer une intuition : le design pourrait-il aider l’entreprise à réinventer son organisation et ses pratiques de management ? Cette question constitue mon hypothèse de travail.

 L’intérêt de cette réflexion est de mettre en avant le potentiel des designers qui seraient en mesure de venir au secours des entreprises qui peinent à réinventer leur fonctionnement. Cette réflexion a un second intérêt sous-jacent : celle de mettre en avant la valeur ajoutée des intuitions et des réflexions transdisciplinaires. Il me semble donc précieux de les valoriser et de les encourager.

Pour mener cette réflexion, j’ai approfondi mon intuition et construit ma réflexion en développant mon champ de connaissances à partir de conférences, d’ouvrages spécialisés, tant sur le design que sur le monde de l’entreprise. J’ai aussi interviewé de nombreux professionnels du design, de l’innovation, de stratégie ou de l’organisation et du management et leur ai soumis ma réflexion.

Il est important de noter qu’il ne s’agit pas ici d’une étude exploratoire. Toutes les personnes rencontrées m’ont confirmé l’intérêt de ma réflexion et l’évolution actuelle du champ du design à des domaines nouveaux, dont l’organisation de l’entreprise, mais je n’ai malheureusement pas trouvé de cas d’étude pour tester mes hypothèses. Je me suis donc efforcée de présenter et d’argumenter ce qui me semble pertinent d’expérimenter en terme de transfert de méthodologie (design) d’une population (consommateurs et utilisateurs) à une autre (salariés).

Je précise enfin que le choix de mon hypothèse de travail a été le résultat d’un long processus de réflexion et qui était au départ, je le rappelle, une simple intuition issue de nombreux questionnements par rapport à un domaine (le design) que je découvrais. Ma réflexion est toujours en cours d’élaboration et, pour l’enrichir, je serais très reconnaissante à mes lecteurs de bien vouloir me faire partager leurs commentaires et critiques.

Dans une première partie, j’expliquerai l’origine de cette intuition. J’expliquerai le cheminement de ma réflexion qui a emprunté deux chemins très éloignés et qui se rejoignent cependant pour formuler le sujet qui nous intéresse ici. Cette première phase est par ailleurs déterminante parce que je briserai quelques idées préconçues, tout d’abord sur le design qui est souvent limité à sa dimension fonctionnelle et esthétique ; puis sur l’organisation traditionnelle et les pratiques de management qui semblent gravées dans le marbre alors qu’elles peuvent s’avérer dépassées ; et enfin sur l’entreprise parfois bien démunie face aux évolutions de la société. On verra que l’impact peut être catastrophique en terme de stress et de désengagement des salariés, et donc d’efficience pour l’entreprise. La conclusion de cette première partie s’imposera : il est urgent de réinventer l’organisation et les pratiques de management autour de l’humain.

Dans une seconde partie, je présenterai un état des lieux des nouvelles formes d’organisation ainsi que leurs limites. J’étudierai ensuite les ingrédients nécessaires à des innovations organisationnelles et managériales réussies.

Enfin, dans une dernière partie, et en réponse aux défis résultants des deux premières parties, je proposerai une nouvelle voie expérimentale : « la réinvention de l’organisation et de pratiques de management grâce au design ». Je présenterai des expériences similaires d’innovation par le design et leurs valeurs ajoutées, j’analyserai les atouts transférables, j’envisagerai les difficultés, tant de la part des entreprises que des designers, et pour finir, je conclurai sur une proposition d’expérimentation.

Aurélie Marchal

Ancienne auditeur interne bancaire, j’ai appris à faire des diagnostics et à émettre des préconisations. D’esprit très critique, à la recherche de sens et de résultat, j’ai beaucoup questionné la pertinence de ce qu’on m’inculquait et l’état d’esprit sur lequel cela reposait. Je me suis formée à d’autres démarches qui reposent sur d’autres états d’esprit (Design Thinking, Creative Problem Solving, Approche Neurocognitive et Comportementale, Lego Serious Play, Coaching, Communication Non Violente) et j’ai créé ma propre approche que j’améliore sans cesse depuis 2011 et qui aboutit à des résultats très pertinents.