Vie du projet : interview d’un participant à un projet de transformation par le design thinking

Voici l’interview de Lionel Le Meur qui a participé au projet d’amélioration de la performance collective de l’entité Build and Run, de Cloud Computing, Orange Business Services.

Quelles étaient vos attentes en vous portant volontaire pour participer au projet d’amélioration de l’efficacité collective par le design thinking ?

J’avais connu de nombreux projets de transformation auparavant. Tous avaient été initiés et gérés par le top management ou la cellule Qualité. Ils avaient même fait intervenir de gros cabinets de consulting qui étaient venus nous interviewer. Mais ces projets finissaient toujours par tenter d’imposer artificiellement des « censées » bonnes pratiques avec en plus une gestion du changement souvent très limitée. Aucun ou presque de ces projets n’aboutissait ou lorsqu’ils aboutissaient, ils ne changeaient pas vraiment la vie des employés.

Avec le projet Design Thinking, c’était la première fois qu’on donnait la possibilité aux employés eux-mêmes de changer leur quotidien. Et le quotidien des employés était pour le moins surprenant. Tout le monde avait la sensation de s’épuiser à faire de son mieux mais on avait parfois l’impression de ne pas tous tirer dans le même sens. Chaque tâche, même la plus anodine, devenait souvent vite compliquée. Et personne ne savait pas quel bout prendre cette complexité.

Mes attentes en participant au projet Design Thinking étaient donc très fortes. J’avais pour ambition de changer profondément le quotidien de mes collègues de travail afin que leurs énergies soient mobilisées sur des tâches à vraie valeur ajoutée et donc, par effet de bord, d’améliorer l’efficacité globale de l’organisation et la satisfaction de nos clients. Mais j’avais toujours peur que ce ne soit qu’un coup politique du top management qui finalement ne tiendrait pas compte des résultats du projet.

Comment avez-vous vécu le projet ?

Dès le départ, j’ai senti que quelque chose était différent. J’ai tout de suite ressenti une certaine excitation, un peu comme lorsque je suis parti faire un tour du monde en 2000-2001. J’avais l’impression de partir à l’aventure et c’était d’ailleurs le cas. Le fait de travailler avec des designers y était sans doute pour quelque chose.

Notre organisation étant internationale, il y avait des représentants de chaque équipe et de chaque région, si bien qu’il était impossible de se réunir physiquement. La première difficulté a donc été pour le groupe d’apprendre à « designer » à distance. Nous avons tous l’habitude de travailler à distance mais le travail de design est très visuel. Sans la possibilité de se mettre autour d’un grand tableau blanc, nous avons imaginé d’autres solutions. Nous avons par exemple utilisé des outils de mind map, des graphes sous powerpoint et également des Webcams fixées à des lampes de bureau qui visaient une feuille de papier blanc placée devant nous.

Le groupe s’est très vite soudé. Dans la première phase du projet, c’était incroyable de voir que les autres participants à qui on n’avait jamais parlé et qui ne travaillaient pas sur les mêmes domaines faisaient pourtant le même constat et vivaient les mêmes difficultés que nous.

Dans la phase de créativité, je me suis découvert des talents que je ne soupçonnais pas. J’ai beaucoup aimé le concept de construire sur les idées des autres et de ne pas se mettre de limites « à priori ». En revanche, je dois admettre que j’ai commencé à sentir de la frustration au bout d’un moment car plus les idées devenaient précises et concrètes, plus certains membres du groupe perdaient leur objectivité dans les votes et commençaient déjà à réaliser ce qui pourrait leur arriver personnellement si ces idées aboutissaient.

Sinon j’étais très fier de défendre le projet sur mon site de Rennes où j’ai fait une présentation devant 75 personnes.

Aujourd’hui je suis très heureux de voir que globalement les principales problématiques ont été adressées et que le management utilise plus d‘un an après les résultats du projet pour conduire le changement.

Qu’avez-vous retiré personnellement de cette expérience ?

Grâce au projet Design Thinking, j’ai aussi appris à penser autrement. J’ai toujours été très proactif mais, avant, je commençais par considérer mon pouvoir d’action et mon réseau avant de réfléchir à ce que je pouvais changer dans ce cadre. Maintenant je commence par me dire « Qu’est-ce que je ferais si j’avais une baguette magique ? » et assez souvent, l’idée qui en ressort n’est pas aussi inaccessible que cela. Il suffit parfois de contacter des bonnes personnes même si elles n’étaient pas jusqu’ici dans mon réseau, ce que je n’hésite plus à faire. La portée de mes actions est donc beaucoup plus large qu’auparavant et ce, pour le bénéfice de l’entreprise.

Le projet m’a donné confiance en moi, en mes capacités de questionnement, de créativité et de persuasion et je suis beaucoup plus à l’aise lorsque je parle pour la première fois avec d’autres entités du groupe. J’ai appris beaucoup de bonnes pratiques que je peux utiliser au quotidien comme les rituels ou la mise en forme.

Je crois qu’une passion est née et j’aimerais avoir l’opportunité de conduire moi-même un projet Design Thinking au sein du groupe ou ailleurs.

Selon vous, qu’est-ce que l’organisation a retiré de ce projet et comment le projet a-t-il été perçu ?

Lors des différentes présentations faites par les membres du projet sur chaque site, je pense que tous les employés ont été séduits par le principe. Ayant été échaudés par des initiatives précédents, les gens étaient cependant prudents et réservés sur les résultats. Le fait qu’à chaque communication du top management sur la transformation, même encore aujourd’hui, il soit rappelé de quelle idée du projet Design Thinking est issue cette étape de la transformation apporte deux choses : cela renforce la crédibilité du projet Design Thinking auprès des employés et à l’inverse, cela sert le top management puisque tout changement est justifié par le fait qu’il ne met en pratique que des idées suggérées par des représentants d’employés et personne ne va donc oser les contester.

Quelles leçons retirez-vous de ce projet ?

Globalement, le résultat de ce projet est très positif et l’impact a été très fort. Le choix des participants est crucial. Il faut éviter des gens qui ont quelque chose « à perdre » dans ce projet ou des gens avec des certitudes, qui influencent beaucoup les résultats. Tout le monde est bon pour faire le constat, la plupart d’entre nous sommes capables de proposer des concepts séduisants. Mais faire de ces concepts une proposition d’amélioration concrète et applicable, c’est plus difficile car il faut avoir en tête les aspects organisationnels, les processus, les outils, les clients, les services pour bien couvrir l’ensemble de la proposition et faire qu’elle sera consistante. Il faut être très bien accompagné et challengé.
Alors que la transformation n’est pas encore arrivée à terme, je dirais que le projet Design Thinking est un grand succès même si bien sûr, nous aurions pu faire mieux.

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Aurélie Marchal

Ancienne auditeur interne bancaire, j’ai appris à faire des diagnostics et à émettre des préconisations. D’esprit très critique, à la recherche de sens et de résultat, j’ai beaucoup questionné la pertinence de ce qu’on m’inculquait et l’état d’esprit sur lequel cela reposait. Je me suis formée à d’autres démarches qui reposent sur d’autres états d’esprit (Design Thinking, Creative Problem Solving, Approche Neurocognitive et Comportementale, Lego Serious Play, Coaching, Communication Non Violente) et j’ai créé ma propre approche que j’améliore sans cesse depuis 2011 et qui aboutit à des résultats très pertinents.