Concrètement, comment ça se passe un projet de transformation réussi ?

L’intégralité du projet repose sur un état d’esprit spécifique fait d’humilité, de questionnement, d’empathie, de confiance, de créativité et les participants s’appuient sur la mise en forme systématique pour faciliter la réflexion.

Quel a été le contexte d’intervention ?

Le Comité de Direction d’Orange Cloud for Business, présidé par Philippe Laplane, a été convaincu de la valeur ajoutée de la démarche de transformation par le design thinking que j’ai présenté au CODIR. Il a décidé de l’expérimenter sur l’entité « build and run » de 400 personnes éclatées sur la France, l’Angleterre, l’Inde, l’Ile Maurice et l’Egypte, entité dirigée par Nicolas Ruelle, VP Operations, Orange Cloud for Business. L’objectif de Nicolas Ruelle était d’optimiser durablement l’efficacité collective de l’entité « build and run ».

L’entité « build and run » souffrait d’une image très négative. Elle était perçue comme un centre de coût à minimiser et avait ainsi connu de nombreuses vagues de délocalisation. Les processus et les outils avaient été développés a posteriori, en l’absence de vision globale. L’organisation résultante était un puzzle très complexe, avec de nombreuses difficultés à travailler ensemble, à distance.

Pourquoi Nicolas Ruelle a-t-il souhaité expérimenter mon approche ?

Je ne croyais plus aux démarches orientés process et je croyais qu’une démarche qui partait de l’humain pouvait être pertinente. L’expérience antérieure montrait qu’une démarche traditionnelle de conduite du changement « top–down » serait vouée à l’échec et il fallait une approche innovante qui permette d’assurer la légitimité du changement.

Quels ont été les résultats du projet, du point de vue de Nicolas Ruelle ?

Les résultats ont dépassé les attentes, tant de la part de la Direction que de l’équipe projet, très fière et engagée. Les pilotes ont été institutionnalisés dans toute l’organisation sans résistance, y compris de la part des syndicats.

  • Légitimité pour l’impulsion du changement qui repose sur la quasi-disparition de la distance entre la source du changement (ceux qui définissent) et la destination du changement (ceux subissent)
  • Réorganisation acceptée sans difficulté par les syndicats
  • Satisfaction client en amélioration, mesurée grâce aux verbatims des clients
  • Satisfaction des collaborateurs en amélioration, mesurée grâce à un dispositif innovant (vote en ligne ouvert chaque jour permettant aux collaborateurs d’évaluer leur satisfaction au travail sur une échelle de 1 à 4)
  • Profitabilité en amélioration, mesurée grâce à la marge opérationnelle
  • Adhésion immédiate et visible des équipes (observation qualitative lors des réunions)
  • Baisse du nombre de conflits internes à arbitrer au niveau direction
  • Réaction très positive de notre écosystème (Marketing, Ventes, Finances)

Comment le projet s'est-il déroulé ?

J’ai constitué une équipe projet constituée d’un Comité de Pilotage dont Nicolas Ruelle faisait partie. J’ai également recruté des « first line managers » volontaires, en veillant à ce que l’ensemble des pays et des lignes de business soient représentés. Les critères de sélection n’étaient pas tant leurs compétences techniques que leur connaissance du terrain, leur intérêt pour ce projet participatif et créatif de conduite du changement, et bien sûr ce que je percevais de leur état d’esprit : humilité, capacité de remise en question, ouverture, ressenti par rapport à l’échec, convictions et force de propositions. J’ai également recruté 2 designers diplômés de l’Ensci les Ateliers et un designer stagiaire.

L’équipe constituée fut dédiée au projet pendant 5 mois, à mi-temps. Le travail s’est fait intégralement par visio-conférences, sans aucun déplacement, tous les matins (créneau horaire français). De leurs côtés, les designers ont travaillé sur le projet à plein-temps pour concevoir les outils au fil de l’eau, sur mesure (en fonction des objectifs, des contraintes, des enjeux) et mettre en forme l’ensemble des travaux pour faciliter et accélérer les réflexions et les décisions.

Dans la phase de créativité, je me suis découvert des talents que je ne soupçonnais pas. J’ai beaucoup aimé le concept de construire sur les idées des autres et de ne pas se mettre de limites « à priori ». En revanche, je dois admettre que j’ai commencé à sentir de la frustration au bout d’un moment car plus les idées devenaient précises et concrètes, plus certains membres du groupe perdaient leur objectivité dans les votes et commençaient déjà à réaliser ce qui pourrait leur arriver personnellement si ces idées aboutissaient.

Les designers ont également insufflé à l’équipe leur état d’esprit spécifique pour aborder les problématiques : ils les ont amené à sortir de leur résignation et les ont fait questionner avec humilité ce qu’ils croyaient savoir (en prenant toujours le point de vue des personnes concernées) pour les amener à imaginer de nouveaux possibles, en prenant garde de ne pas tomber amoureux de leurs idées mais en allant les confronter à la réalité du terrain (pour ne pas retomber dans le travers des démarches top down) pour en tirer des enseignements et les améliorer, sans baisser les bras lors de cette étape clé où il est difficile de retrouver de l’énergie.

De mon côté, je veillais au bon avancement du projet, je facilitais les travaux, je gérais l’équipe et la protégeais de toute perturbation externe afin que les membres puissent travailler ensemble, sereinement, comme dans une bulle. Je faisais des points d’avancement tous les mois au COPIL et j’ai alerté Nicolas Ruelle sur le fait que les participants avaient besoin d’être assurés que les résultats de leurs travaux seraient bien pris en compte et qu’ils ne travaillaient pas pour rien. Pour leur montrer son engagement, Nicolas Ruelle a ensuite communiqué sur ce projet en cours, dont il ne connaissait pas l’issue, à chaque prise de parole.

Quels ont été les facteurs clés de succès de ce projet ?

La réussite de ce projet repose sur 3 piliers principaux :

  • la démarche collaborative bottom-up et non pas top down (le travail réel étant toujours très éloigné du travail prescrit)
  • le recours au design thinking qui a permis à l’équipe projet d’avoir le bon état d’esprit pour questionner les problématiques et imaginer des solutions pertinentes, et de pouvoir s’appuyer sur de la visualisation pour faciliter et accélérer les réflexions
  • le soutien indéfectible de Nicolas Ruelle, qui a fait confiance à son équipe, qui a constamment valorisé le projet alors même qu’il ne savait pas ce qui allait en sortir, qui a permis aux membres de l’équipe d’expérimenter tout ce qu’ils souhaitaient (sans faire de sélection) et qui les a chargé de présenter, avec leur enthousiasme, les résultats à leur collègues.

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Aurélie Marchal

Ancienne auditeur interne bancaire, j’ai appris à faire des diagnostics et à émettre des préconisations. D’esprit très critique, à la recherche de sens et de résultat, j’ai beaucoup questionné la pertinence de ce qu’on m’inculquait et l’état d’esprit sur lequel cela reposait. Je me suis formée à d’autres démarches qui reposent sur d’autres états d’esprit (Design Thinking, Creative Problem Solving, Approche Neurocognitive et Comportementale, Lego Serious Play, Coaching, Communication Non Violente) et j’ai créé ma propre approche que j’améliore sans cesse depuis 2011 et qui aboutit à des résultats très pertinents.